2 articles de la revue du Pays de Saint-Briac numéro 11 (2022)

30 Avr 2023 | Actualité, Patrimoine

L’île Agot, classée Monument Historique en 1975, ce qui peut paraître curieux puisqu’elle n’abrite aucun monument, fait partie du patrimoine naturel de Saint-Briac, mais aussi de son patrimoine culturel.

Autrefois reliée à la terre, Agot , comme Cézembre, les Ebihens ou encore Chausey, devient une île vers 3500 à 3000 avant J.C., par la montée des eaux de mer qui se produit depuis quelques milliers d’années. Mais, pour longtemps encore, comme Cézembre ou les Ebihens, accessible à pied par grandes marées basses. Aujourd’hui, c’est pleinement une île, qui mesure environ 600 mètres de long pour une largeur maximale de 270 mètres ; elle abrite une réserve d’oiseaux de mer, est inconstructible et propriété privée.

 

L’origine du nom est difficile à déterminer. Il pourrait s’agir de la déformation d’un nom de personne du peuple Viking. Du scandinave « Asgaut », le nom Angot est très répandu en Haute Normandie. « Hakon » est aussi le nom de plusieurs rois norvégiens. Asgaut, Hakon, Angot, Agon, Agot ? La tradition orale briacine veut que l’île, comme les Ebihens, ait pu servir d’abri aux drakkars vikings.

L’île Agot vue depuis la plage du Perron

L’île Agot a-t-elle connu une vie humaine autrefois ? Un habitat gaulois ? C’est probable. Un château féodal ? Nous entrons là dans une intéressante légende… 

1- Un village gaulois sur Agot ?

Dès 1959, des restes d’habitat ancien sont signalés sur l’île Agot. Les mêmes types de gisements archéologiques ont fait l’objet de fouilles systématiques de 1972 à 1981 sur le site d’Alet (aujourd’hui Saint-Servan), par le Centre régional d’Archéologie d’Alet. Ceux des Ebihens ont été explorés en 1985 et 1986.

Il est curieux de constater que, dans les trois cas, ces restes d’un habitat gaulois ancien se trouvent sur les rives droites des estuaires de trois fleuves, la Rance (Alet), le Frémur (Agot) et l’Arguenon (Ebihens). Iles ou presqu’îles, il était possible à l’époque d’accéder à pied à ces sites, en permanence (Alet) ou à marée basse seulement. Leurs situations devaient offrir des opportunités à de petits groupes celtes-gaulois bien avant notre ère et la période gallo-romaine. Une bonne exposition, des ressources naturelles offertes par la mer et la lande, et très probablement un caractère insulaire ou semi-insulaire capable d’apporter une certaine protection contre des visiteurs indésirables.

Aux Ebihens comme sur Agot, ces habitats sont abandonnés dans le courant du premier siècle après JC. Petits territoires offrant des ressources agricoles limitées et meilleure sécurité dans les terres assurée par les Romains en sont-elles les raisons ?

A- L’exemple des Ebihens.

Des traces d’habitat ancien y sont signalés dès 1948. A la suite d’effondrements de rochers entraînant avec eux la couche de sable éolien végétalisée qui les recouvrait, des tessons de poteries et débris divers apparaissent en 1978 sur la pointe sud des Ebihens.

*Un autre gisement proche est découvert en 1984 pour les mêmes raisons.  Une première exploration est réalisée en 1984 par le Centre Régional d’Archéologie d’Alet, qui confirme l’intérêt d’une fouille plus systématique.  Elle  est  entreprise sur des périodes de trois semaines,  en  1985  et  1986,   dirigée  par  le professeur Langouët, déjà impliqué à Alet. Plusieurs  surfaces  d’environ 30 m² chacune sont creusées pour retirer la couche de sable

L’île des Ebihens et sa pointe sud

C’est un véritable village en ruines qui est découvert, en plusieurs morceaux, s’étendant sur environ 2500 m² sur cette pointe sud des Ebihens, à l’abri des vents dominants. Plusieurs habitations sont mises à jour et, cerise sur le gâteau, un atelier de « bouilleur de sel » en relativement bon état. Le professeur Langouët a pu parler d’un « petit Pompei breton », les sables éoliens remplaçant les cendres du volcan.

–Des habitations :

Trois ont été mises à jour, de petites tailles, sur un même modèle. Murets de pierres sèches, sans mortier, dont il reste des hauteurs variant entre 0,60 et 1,40 m. Couloir d’entrée d’environ 1,30 m de largeur, en pierres. Une ou deux petites pièces, au sol en terre sableuse battue ; on peut y voir les traces de trous avec pierres de calage, qui maintenaient un ou plusieurs poteaux en bois, du sommet desquels partaient jusqu’au muret, comme des baleines de parapluie, des madriers servant de charpente à une toiture qui devait mélanger bois et végétaux. Au centre, un foyer formé d’une couche d’argile sur un lit de petites pierres (un trou dans le toit évacuait la fumée). Dans une des habitations, un conduit souterrain tapissé de pierres plates servait d’égout.

Ce descriptif diffère de l’architecture traditionnelle des maisons gauloises de cette époque, en particulier pour les murs généralement en poteaux bois, clayonnage et torchis.

–Des traces de vie :

Nombreux tessons de poteries, sommairement décorées par application des doigts ou striures. Galets plats brûlés, sans doute chauffés au-dessus du feu pour réchauffer des liquides dans les poteries. Quelques objets en fer, dont un poignard. Des fragments de bijoux. Des dépôts de coquilles (patelles, moules). Des ossements de porc et mouton.

–L’atelier des « bouilleurs de sel » :

Mis à jour par les archéologues, il est d’une surface intérieure d’environ 11 m² (4 mètres par 2,80). Les pierres du muret qui l’entoure sont par endroits liées par un mortier de chaux, qui permet de dater l’ouvrage du début du premier siècle après JC. Dedans, au centre, un trou de poteau avec son calage de pierres.

Un foyer en argile, creusé dans le sol sur une longueur de 2,50 m, est recouvert de pierres plates servant de plancher de chauffe ; au-dessous on dispose le combustible, des braises préparées dans un autre foyer. Deux bassins creusés et tapissés d’argile stockent l’eau de mer recueillie dans des mares à marée basse, déjà en partie évaporée au soleil, donc une saumure à forte teneur en sel. Celle-ci est transférée dans des barquettes de céramique longues d’environ 23 cm sur 5 de large, retrouvées dans l’atelier. Ces barquettes sont mises à chauffer sur les pierres du foyer jusqu’à évaporation pour obtenir des pains de sel. Cette disposition est assez originale comparée à d’autres retrouvées sur les côtes bretonnes (briques, godets cylindriques, plusieurs foyers…).

Compte tenu des moyens disponibles, le temps de fouilles complètes aux Ebihens, à raison de 3 à 4 semaines par an, est estimé à une vingtaine d’années. Trop longues et d’un intérêt touristique limité du fait de l’accès difficile, elles n’ont pas repris en 1987. Mais en 1990, des traces d’habitat ayant été signalées sur le rocher principal des Haches (nord de l’île), une nouvelle fouille a permis de dégager à cet endroit ce qui pourrait être les restes d’un petit sanctuaire plutôt que d’une habitation.

 

B- Et sur Agot ?

Depuis 2000 ans, l’eau de mer a monté d’environ 1,70 m, et, compte tenu du peu de profondeur et des importantes marées, il devait être possible d’accéder à l’île à pied à marée basse avant et un peu après JC. Le sommet est garni de terre sableuse végétalisée. Des restes de murets sont signalés en 1959, mais d’un âge indéterminé ; peut-être simplement ceux d’une cabane de berger ?

Une exploration du site est entreprise dans les années 1960, qui localise des vestiges archéologiques au sud-est de l’île, où une pointe se termine en plate-forme plus basse, dans les érosions desquelles ont été recueillis :

–des tessons de poteries, de couleur brun-rouge et gris-brun. La décoration est grossière, par empreintes de doigts et d’ongles, ou des stries et cannelures.

–des amas de coquilles de patelles et moules, des os et dents d’animaux.

–quelques éclats de silex, un lissoir en os. Le gisement est daté des deuxième et premier siècles avant JC.

Un habitat gaulois existait certainement là, mais probablement de petite taille. Les fouilles ne sont pas allées plus loin. Taille de l’habitat, site moins emblématique que Alet ou les Ebihens ? Cela a néanmoins suffi pour faire classer l’île Agot Monument historique en 1975. Rédigée en 1992, une notice du ministère de la culture décrit le site :

 –description : site archéologique.

–Titre courant : île Agot, renfermant des sites protohistoriques.

 –localisation : Saint-Briac-sur-mer.

–lieu-dit : isle Agot

–historique : protohistoire (étude de populations ne possédant pas l’écriture, comme les Gaulois, mais mentionnées dans des textes émanant d’autres peuples).

 –statut juridique : propriété privée.

–illustration : photo du site et extrait de carte marine.

Il n’existe à ce jour à notre connaissance pas d’autre dossier plus complet réalisé par le Service de l’Inventaire du ministère.

2-Un château sur Agot ?

                                 « LE ROMAN D’AQUIN »

On parle aujourd’hui plus volontiers du Roman d’Aquin que de La conqueste de la Bretaigne par le roy Charlemagne, qui est pourtant le titre principal de ce texte fameux. Roman ? Ou plutôt poème ou « chanson de geste » du Haut Moyen Age. Ce long manuscrit, 3087 vers sur 56 feuillets, est célèbre, en particulier car écrit au XIIe siècle en langue d’oïl, le Gallo, et non en latin. Une copie du manuscrit, réalisée fin du XVe, est tout ce qui nous en reste, conservée à la Bibliothèque Nationale. Si l’histoire racontée, une alliance de Charlemagne et des seigneurs bretons pour combattre les Vikings, est quelque peu fantaisiste et non sans l’arrière-pensée de mettre en valeur le rôle de l’archevêque de Dol, elle est étonnante par la précision dans la description des lieux.

Quatre vers, parmi les 100 premiers, ont toujours interpellé les Briacins. L’auteur mentionne l’existence d’un château à Saint-Briac, non sur le Nessay, comme le veut une fausse tradition orale, mais sur l’île Agot :

« Agot y est, qui est moult redoubté

                                       dedans la mer a un castel fermé,

                                       nul homs n’y entre, ne par pont, ne par gué

                                       car de la mer est tout entouré »

Le manuscrit.

Connu depuis 1560 car étudié par l’érudit malouin Fauchet, c’est une copie qu’on peut dater de la fin du XVe siècle par la forme de son écriture, mais qui reprend les éléments du dialecte parlé en Haute Bretagne au XIIe. L’auteur du texte est inconnu. Un clerc, à cause des nombreuses références religieuses ? Le trouvère de Dol, Garin Troussebeuf, par la forme du récit, qui adopte largement les recettes des chansons de geste du Haut Moyen Age ? Peut-être la remise en forme du texte d’un moine ? Les références à l’archevêque de Dol (archevêché supprimé en 1181), ainsi que d’autres indices, laissent penser que le manuscrit original doit dater au plus tard du XIIe siècle.

Il fait l’objet d’une étude approfondie de la part de l’historien Joüon des Longrais en 1880.

L’histoire.

Charlemagne décide d’aller en Bretagne combattre les « Païens », ou « Norois », incarnés par le roi viking Aquin et ses troupes. Sur le chemin, il reçoit à Dol l’appui de l’archevêque de la ville et des seigneurs bretons. Aquin est établi à Quidalet (Alet, aujourd’hui Saint-Servan). Après un combat de trois jours dans la campagne, les païens se retranchent dans Alet fortifiée. Charlemagne y met le siège, qui va durer cinq ans ! Il brûle aussi, de l’autre côté de la Rance, le château de Dinart (ainsi écrit à l’époque), situé sur la pointe dite aujourd’hui du Moulinet et occupé par les Vikings. Aquin parvient à s’enfuir par mer jusqu’en rade de Brest, pour ensuite se réfugier au sud de Carhaix, dans le château du Menez Hom. Charlemagne, informé, emmène ses troupes à travers la Bretagne et engage la bataille qui termine le récit. Aquin doit fuir, il est finalement tué.

La réalité.

Si des dates précises ne sont pas mentionnées dans le poème, les invraisemblances historiques sont nombreuses. Par exemple, Charlemagne, mort en 814, n’est jamais venu en Bretagne, même s’il y a envoyé des troupes pour la soumettre, sans résultats durables (786, 799, 811). Et l’évêché de Dol ne devient archevêché qu’au milieu du Xe siècle, les Vikings sont déjà partis. Mais c’est bien dans le premier tiers du Xe siècle qu’ils ont pris la maîtrise de la quasi-totalité de la Bretagne, non plus par des raids sporadiques, mais par des installations permanentes, en particulier dans les régions de Nantes, Brest et Alet.

Aquin pourrait être une déformation du nom de « Incom », roi viking établi en région nantaise, mais parvenu aussi jusqu’aux côtes nord. Et c’est allié au comte de Rennes et à des Francs que le duc de Bretagne, Alain Barbetorte, défait les troupes vikings à Nantes (936), puis à Trans (près de Dol, 939) et les chasse de la péninsule.

Et le château sur Agot ?

D’où vient alors cette mention de l’île Agot ? Lors du passage de Charlemagne à Dol, le trouvère donne une liste si précise des seigneurs bretons venus s’allier au roi qu’elle semble historique. Des noms, des qualités, des fiefs. Les historiens n’ont rien trouvé sur ces seigneurs, à part peut-être Salomon de Vannes, futur roi de Bretagne (857-874). Ils en ont conclu que cette liste est imaginaire. Aucunes traces des Guion de Léon, Thébaud de Rennes, Baudoin de Nantes, Hamon de Morlaix, Ahès de Carhaix, Morin de Daoulas, Mérien de Brest…ni de seigneur de Agot, à propos duquel sont écrits les fameux quatre vers !…Et donc pas de château sur Agot !

Bernard de Coux

 

Sources :

–Conférences du professeur Langouët (Rennes 1), en 1985 et 1987, pour la Société d’Histoire et d’Archéologie de Saint-Malo (SHAASM).

— « Le roman d’Aquin », par F. Joüon des Langrais (1880).

–Notice du ministère de la Culture.

UN ENCLOS PAROISSIAL à SAINT-BRIAC

     La configuration actuelle de l’église et de son environnement ne laisse pas imaginer l’existence autrefois d’un enclos paroissial à Saint-Briac.

Au terme d’une lente évolution (Haut Moyen Age), le bâtiment « église » prend vocation à encadrer l’existence des fidèles : la « Cité de Dieu » descend sur terre, son temple se matérialise dans l’église et le cimetière, seule terre ouvrant le chemin vers le ciel. Depuis le début du XIe siècle, les fidèles doivent désormais se faire obligatoirement inhumer dans le cimetière qui se trouve autour de l’église. Cet endroit est la propriété de Dieu, son exclusion équivalant à une damnation éternelle.

Eglise et cimetière forment un même lieu : « l’enclos paroissial », délimité par un mur tout autour. Ce fut bien sûr le cas à Saint-Briac jusqu’au moment où la loi (décret du 23 prairial an XII, 1804), pour des raisons d’espace disponible et d’hygiène, invite les paroisses, devenues Communes, à déménager leurs cimetières à l’écart des habitations (ce qui se fit lentement, sur plus d’un siècle !). Un nouveau cimetière est inauguré à Saint-Briac en 1849, mais réellement opérationnel dans les années 1860. Et si certaines communes ont conservé malgré tout leurs enclos, même ne faisant plus fonction de cimetières, ce ne fut malheureusement pas le cas chez nous.

Un enclos paroissial comprend :

 –L’église, avec parfois un élément rapporté : par exemple un porche principal ou sur un côté, aménagé avec des bancs de pierre et des niches dans lesquelles veillent des représentations de saints, qui sert d’entrée mais aussi de lieu de réunion pour le Conseil de Paroisse (dit plus tard la « Fabrique »).

 –Le cimetière, qui fait le tour de l’église.

 –Un mur d’enceinte, avec un portail utilisé dans les grandes occasions. L’accès courant se fait par des « échaliers » plus bas que le mur, qu’il faut enjamber et destinés à empêcher la divagation des animaux dans le champ des morts.

 –Un calvaire, plus ou moins monumental et ouvragé.

 –Un ossuaire : dans ces enclos souvent exigus, les corps doivent être régulièrement exhumés pour laisser la place à d’autres. Les ossements sont stockés, visibles des paroissiens, dans un ossuaire séparé, parfois richement ouvragé.

 –Et, plus ou moins intégré à l’enclos, le presbytère.

A Saint-Briac, ce qui reste de l’enclos est supprimé vers 1868, pour faire de la place à une nouvelle église, plus vaste, moderne et « hygiénique », selon le terme utilisé par l’évêché. Il n’en existe donc plus de traces, contrairement à Saint-Lunaire (enclos conservé autour de la vieille église romane) ou Lancieux (enclos apparent autour du vieux clocher).

Le cadastre napoléonien de 1828, donc antérieur au nouveau cimetière, permet néanmoins de reconstituer l’espace qu’il occupait, ainsi que le montre le relevé suivant

Quelles traces reste-t-il du vieil enclos d’avant 1850 ?

     Cet enclos de Haute-Bretagne n’avait rien à voir avec la richesse ornementale des enclos de Basse-Bretagne. On a affaire ici à quelque chose de plus simple.

 –L’église : le clocher du XVIIe a survécu, de style léonard (Beaumanoir), unique en Ille-et-Vilaine et classé en 1908. Sur le chevet ont été intégrées quelques pierres de l’ancienne église, sculptées de poissons. Dans l’église, un très vieux bénitier.

 –Dans le nouveau cimetière ont été transportées quelques tombes de l’ancien. Et la croix, dite du « Buot », rue du commandant Thoreux, est en réalité un morceau de monument funéraire venu du vieil enclos.

 –Le calvaire n’était qu’une grande croix de granite, très simple. Elle se trouve aujourd’hui dans le nouveau cimetière. Elle porte une gravure 1715 ; sa date de création ? Une inscription faite sur une croix plus ancienne à l’occasion de cet événement considérable que fut la mort de Louis XIV ?

 –L’ossuaire, ombragé par un acacia, existait encore dans les années 1880 (témoignage écrit). Le recteur s’en servait comme remise pour stocker les éléments de décors utilisés lors des processions ou cérémonies. A sa place aujourd’hui, le monument aux morts, inauguré en1922.

 –Le vieux presbytère a été détruit en 1896 pour laisser place à celui transformé aujourd’hui en mairie annexe et centre culturel. Sur le mur du fond du jardin, on peut en voir des traces, en particulier du vaisselier. Ce presbytère (du XVIIe ?), en très mauvais état au XIXe siècle, se composait d’un grand et petit salon, d’une vaste cuisine, de trois chambres, de deux greniers, et disposait de toutes les « commodités » … A côté, une étable-écurie, en ruines début XIXe. Le joli « jardin de curé » n’a malheureusement pas résisté aux travaux récents ; on y a même aménagé un parking bitumé !

 

                                                                                                      Bernard de Coux

 

 

Annexe : la coutume de l’enterrement dans l’église.

 

     L’inhumation à l’intérieur des églises, pratiqué jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, est un rituel ancien et codifié qui remonte au haut Moyen Age, lorsque les églises en pierres ont commencé à se généraliser. Réservée à l’origine aux membres supérieurs du clergé, et aux seigneurs bienfaiteurs. Puis les paroissiens obtiennent la possibilité, contre redevance, d’avoir dans l’église une tombe familiale. Cela se passe par descellement d’une dalle du sol, sous laquelle on creuse et on enterre, avant de reposer la dalle. Les places les plus recherchées (et donc les plus chères) sont les plus proches de l’autel. La sépulture dans l’enclos extérieur est gratuite, mais là aussi il y a de bonnes places (contre les murs de l’église, près de la croix) et de moins bonnes !

L’envie d’être inhumé dans l’église ne cesse de progresser, encore au XVIIe siècle. Le problème est bien sûr rapidement l’accumulation de cadavres dans un espace limité ! Les enterrements sont nombreux, en particulier à cause de l’importante mortalité infantile. On construit des ossuaires dans les enclos pour y transférer régulièrement les restes de cadavres enterrés dans l’église ou le cimetière, et faire ainsi de la place. Lorsque l’ossuaire est plein, il est vidé dans une fosse située dans le cimetière. Le métier de fossoyeur ne consistait pas seulement à enterrer, mais aussi à déterrer !

 

      L’enterrement dans l’église n’est pas sans poser de sérieux problèmes, dont le clergé commence à se préoccuper fin du XVIIe siècle. L’odeur est souvent désagréable ! Les déterrements créent des problèmes d’hygiène, de contagion possible. Ils finissent par abîmer les dalles de pierre. Les paroissiens qui ne trouvent plus de place sont mécontents. A la demande des diocèses, le Parlement de Bretagne prend un arrêté en 1719 (et il est en avance sur le reste de la France ; Paris en 1737). Il est fait « …défense à tous les recteurs et curés, tant à la ville qu’à la campagne, de faire aucun enterrement dans leurs églises ou chapelles, si ce n’est de ceux qui y ont droit à leur enfeu… (essentiellement les seigneurs) …ordonne que toutes personnes de quelque qualité et conditions qu’elles soient seront inhumées dans les cimetières, et que le présent arrêté sera à la diligence des substituts du procureur-général du Roi… ».

Le Parlement s’était déjà inquiété dès 1689 d’une situation jugée malpropre. Mais son arrêté de 1719 est si peu suivi dans les paroisses qu’il se voit obligé de le renouveler en 1741 ! Cette discipline finira par s’imposer avant la Révolution. Et c’est au XIXe siècle qu’il sera demandé aux communes, pour les mêmes raisons d’hygiène et de place, de déménager leurs cimetières des enclos paroissiaux vers des endroits éloignés des centres bourgs.

Et si l’on n’est pas catholique ou qu’il existe un doute à ce sujet ? Alors pas de salut ! Ni église, ni cimetière. Les marins inconnus, naufragés et dont les corps sont arrivés sur les rivages, sont enterrés dans les dunes alentour. Le sable conserve bien ces squelettes, que l’on retrouve régulièrement sur les côtes bretonnes érodées par la mer. Même sort pour les vagabonds…