Des corps de garde aux cabanes de douaniers

Patrimoine

7 juillet 2020

Extraits de la revue « Le Pays de Saint-Briac » n°9 de 2020.

Ils étaient quatre autrefois à Saint Briac, quatre corps de garde côtiers : sur la Garde Guérin, sur la pointe de la Haye, au Perron et au Nessay. A l’origine construits pour faire partie du dispositif de surveillance et de défense de la côte, ils ont été mis à disposition de l’administration des douanes vers 1820.

1 – La Garde Guérin :

sur ce promontoire, il était probablement le plus ancien (XVIe ? Début XVIIe?).  Un document de 1629  mentionne que la baronnie de la « Houlle » comprenait le manoir et terre noble de la Garde Guérin, la mielle de la Garde et la montagne de la Garde sur laquelle était « basty le corps de garde et fanal du Pontbriand« .

En 1757, le chevalier Mazin, chargé par le Roi d’une étude sur les côtes nord de Bretagne, parle de ce lieu : une pointe escarpée où « la mer y bat toujours la côte qui est impraticable. Sur cette pointe est construit un corps de garde qui n’est que de pure observation. ». Quatre hommes y étaient affectés au service du guet, sans canons.

Au moment de la Révolution, des travaux de remise en état sont nécessaires et décidés par la municipalité (avril 1793), soit : « une porte de 6 pieds de large avec sa serrure, en bois de chêne ou chataignier, épaisseur de 15 lignes ; une fenêtre avec sa carrée attachée avec 6 patte-flèches avec sa ferrure, hauteur 3 pieds 10 pouces sur 2 pieds 3 pouces de large, avec un jet d’eau sur la carrée, la dite fenêtre à deux battants en bois de chêne ».

Ce corps de garde est mentionné en 1903 par Martha Kean, une américaine en villégiature à Saint-Briac avec ses enfants. La famille fait un « picnic » sur la Garde : « au sommet, il y a une pittoresque ruine d’un «old guard», qui sert encore d’abri aux douaniers« . On peut distinguer sur la photo ci-après prise par Martha cet ancien bâtiment, ainsi que les ruines  du télégraphe (qui fonctionna de 1799  à 1854). Ces ruines ont été évacuées par les Allemands lors de la construction de la forteresse enterrée de la Garde.

Des Corps de Garde aux Cabanes de Douaniers

Ce corps de garde est mentionné en 1903 par Martha Kean, une américaine en villégiature à Saint-Briac avec ses enfants.

2 – la pointe de la Haye.

Voici  ce qu’en dit le chevalier Mazin en 1757: «  A deux portées de fusil plus loin, sur la pointe dite de Michel Chenée, l’on a étably une nouvelle batterie avec son magazin à poudre, qui croise ses feux avec l’Isle des Esbiens et deffend efficcacement l’entrée du havre de St Briac qu’elle interdit à tous corsaires ; elle est armée de 2 canons ». Corps de garde construit en 1756 aux frais du Roi (coût 579 livres), mais déjà en mauvais état  moins de 40 ans plus tard. Ce que nous appelons aujourd’hui pointe de la Haye était aussi dite de Michel Chenée.

Si les constructions étaient faites aux frais du Roi, l’entretien en incombait aux paroisses qui devaient en outre fournir la lumière et le bois. Mais elles s’acquittaient fort mal de cette tâche et au moment de la Révolution, les corps de garde étaient tous délabrés, et n’avaient plus ni portes, ni fenêtres, ni mobilier.  C’est ce qui explique les travaux engagés en 1793, les élus étant sommés de protéger le littoral des débarquements et rembarquements d’émigrés venant apporter de  l’aide aux chouans depuis Jersey, de nombreux marins briacins étant soupçonnés de les aider…

Batterie de Michel Chenée aujourd'hui (pointe de la Haye

Batterie de Michel Chenée aujourd’hui (pointe de la Haye)

3 – Le Perron.

Le chevalier Mazin décrit ainsi les lieux en 1757: « Le Port du Perron est abordable à toutes marées et à toutes heures ; sur la pointe la plus avancée se trouve un corps de garde avec magazin à poudre qui n’est que pour le service de la batterie establie au-dessous, laquelle deffend l’entrée du havre de St Briac, croise ses feux avec ceux du Nécet et l’Isle des Esbiens ; elle est armée de 2 canons ». Le corps de garde, en aussi mauvais état que celui de la Garde, avait été restauré en 1747. Joseph Ollivier et Marie Besnard, dans un aveu de 1789, déclarent « une pièce de terre en sable et falaize, dans laquelle est bâti le corps de garde du Perron, à son extrémité, appelé vulgairement « l’églantier ». En 1793, on y fait des travaux, notamment une porte peinte en rouge.

Martha Kean, en 1903,  parle aussi de cette « smuggler house »,  proche de sa location : « C’est une petite maison rudimentaire en pierres, sans fenêtre, il y a une ouverture mais sans porte, avec deux compartiments étroits en oblique, ce qui contraint à entrer en diagonale. Le garde est une silhouette pittoresque, toujours quelque part dans le paysage, avec son uniforme bleu et rouge, une couverture sur le bras et un sac à dos ». Un lit de camp était aussi  prévu pour le douanier en question… Ce corps de garde fut également détruit par les allemands en 1942-43 pour construire à côté un blockhaus.

Au 1er plan, le toit de ce corps de garde

Au 1er plan, le toit de ce corps de garde

4 – le Nicet ou Nessay.

En 1757, le chevalier Mazin parle du « port du Nécel où l’on pourrait débarquer de tous vents et de toutes marées, avec des bâtiments de 9 à 10 tonneaux ; la mer y monte fort haut dans les grandes marées, la grève est assés praticable ; ( il s’agit bien sûr de la plage de la Salinette) ; à l’ouest et sur la pointe de ce port est une batterie qui deffend l’entrée de la rade ou rivière du Pontbriand ; elle croise avec celle établie aux Esbiens et l’Isle Duperron. Elle est armée de 3 canons de 8 ». Et plus loin, il écrit : « Au Nord-Nord-Ouest, est scitué le havre joignant le Nécel ; on peut y aborder depuis 3h du flot jusqu’à 3h de retirant ; la mer ne bat à la côte qu’au plein ; il peut y avoir 14 à 15 pieds d’eau ». Ici, c’est bien le Béchet.

Ce corps de garde est le 1er doté de canons (vers 1732?), avec réhabilitation d’un bâtiment plus ancien ? A la Révolution, il devient  prison (d’ailleurs mentionné ainsi sur le cadastre de 1828) et a effectivement été utilisé en tant que tel : par exemple un certain Joseph Richard dont la maison toute récente sert de casernement à la troupe, et qui a protesté vigoureusement contre les dégâts commis et insulté les forces de l’ordre, est alors saisi et incarcéré dans le corps de garde. Des travaux de remplacement de porte et couverture ont lieu également à cette époque. L’inventaire du Patrimoine culturel de Bretagne le décrit ainsi : « L’édifice, couvert en pierres, est comparable aux corps de garde facilitant la surveillance des côtes depuis le XVIIe. » Il est transformé en chapelle, au moment de la construction du château, utilisant en remploi une porte du XVIe qui doit évoquer sa nouvelle destination ». L’ancienne porte, murée, est encore visible sur le côté.

En mauvais état, le bâtiment a été réhabilité en 2018 par le nouveau locataire des lieux. Et proches du corps de garde se trouvent deux vieux canons sur leurs affûts, pointés vers l’estuaire du Frémur. Certains disent qu’ils furent posés là par Maurice de Villebresme, le constructeur du château en 1881, pour renforcer son aspect médiéval. Mais ils sont bien mentionnés en 1879 par l’archéologue Lucien Decombe. Viennent-ils d’un fort malouin désaffecté ou d’un navire de la Royale ? Faisaient-ils partie autrefois du dispositif de défense de la côte de la capitainerie des Pontbriand ?

Ce corps de garde est le 1er doté de canons

Ce corps de garde est le 1er doté de canons

5 – Le Béchet.

Le capitaine Autray, évoque dans ses souvenirs de jeunesse   (années 1895) la présence d’une cabane de douaniers, près de la cale dite « aux américains »: « A l’abri du bosquet qui la protège des vents du large, devisaient les bateliers du Béchet ». Probablement construite au XIXe pour les douanes. L’endroit s’appelle d’ailleurs « Pointe des Douaniers ». C’est aujourd’hui le mini-golf. La cabane a disparu. Le site est classé depuis 1932.

Sabine de Coux

Sur la droite, la cabane de douaniers abritée des vents du large par un bosquet

Sur la droite : la cabane de douaniers abritée des vents du large par un bosquet

Sources :

  • Mémoire manuscrit du Chevalier Mazin « la côte de Bretagne jusqu’à Pontorson » (Archives de la SHAASM)
  • Martha Kean : « a transplanted nursery » 1904
  • Registres des délibérations municipales de St Briac, période révolutionnaire (fonds Lemasson, Médiathèque de Dinan)
  • Rapport du comte de Pontbriand sur l’état de sa capitainerie (1730),  Médiathèque de Dinan (fonds Lemasson)

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